ZOOM SUR... - Les rôles de Tsiganes
Les Bohémiens ou tsiganes sont représentés dans un nombre impressionnant de mascarades, et y sont le plus souvent symbolisés – caricaturés – sous les traits de personnages au visage noirci et aux habits bariolés.

 

 


Buhameak 

Buhameak



kauterak. 

Kauterak.



 
En Soule, seuls les « Buhame » ou Bohémiens sont considérés comme tsiganes.
Et encore ! Parmi les organisateurs actuels des mascarades, une grande majorité croit que les Bohémiens font seulement partie d’une classe sociale, et non d’un peuple.
L’histoire des Bohémiens du Pays Basque est en effet assez méconnue de la population de la vallée.
Les « Kautere » ou chaudronniers représentent eux aussi des personnes de ce peuple « Roms Kalderas » mais sont considérés par les organisateurs de mascarades comme provenant d’un département voisin.
Ces deux groupes de personnages sont représentés de manière grotesque et parfois méprisante :
Fainéants, vulgaires, ivrognes, se vautrant les uns par-dessus les autres, (pour le plus grand plaisir du public riant de pareils comportements).
La seule qualité reconnue aux Bohémiens et autres « Kautere » :
celle d'avoir le verbe et la répartie faciles.

Voici le couplet présentant le groupe des Bohémiens avant qu’il ne rentre au milieu de la place :

"Buhame debrü horik lanik egin gabe, arraza debrü hori bizi dirade"
Ces diables de bohémiens sans travail, c’est la vie de cette race
"Aberatsik horregatik ez da nihur ere, aldiz sortüak oro ohoinak dirade".
Ils ne sont donc pas riches, mais tous ceux qui naissent sont des voleurs.

Puis vient le discours du Buhame Jaun, chef des Bohémiens qui change chaque année suivant le groupe d’acteurs mais tourne toujours autour des mêmes réflexions :

"les Bohémiens ont voyagé, se sont saoulés, ont volé…"

Tous ces Kautere et Bohémiens font partie du groupe des « noirs », des « laids », des « étrangers ».
Autrefois, quand la Bohémienne de Soule n’avait pas encore été supplantée par la Cantinière, elle défilait pourtant dans la partie du cortège représentant soi-disant les « locaux », près du zamalzain.




Djoupsène 

Djoupsene en Belgique



Caldarari moldavie roumaine 

Caldarari moldavie roumaine



Tsigane montreur d'ours

Tsigane montreur d'ours


 

Dans l’Avellino, une Tsigane enceinte mène le cortège de carnaval. Ce personnage est peu mis en avant par les organisateurs de la manifestation, qui communiquent plus sur la danse effectuée par d’autres acteurs avec des cerceaux fleuris.

En Grèce, la troupe arrive sur la place centrale et, alors que les acteurs commencent à danser, une Gitane, sur le point d’accoucher, se met à crier. Le médecin intervient et, simultanément, un Gitan essaie de s’emparer de la mariée. Furieux, le marié le tue… mais il est vite ressuscité grâce au " Mai ".
Puis dans une autre scène, le Gitan dompteur rivalise avec le docteur et redonne vie lui aussi à son ours.

En Wallonie, les personnages des «Djoupsènes», signifiant «Bohémienne, Égyptienne ou Gitane» en wallon, ont été interdits en 1859 car ils donnaient «souvent lieu à des scènes indécentes». Ils étaient joués par des jeunes hommes déguisés en femmes qui poursuivaient les jeunes filles pour les embrasser, s’introduisaient dans les maisons pour enlever lard, jambons, saucisses…. Aujourd’hui, ces personnages habillés en blanc ont tellement gagné en sagesse qu’ils ne se font plus guère remarquer.

En Moldavie roumaine centrale, le cortège de l’ours et de son dompteur est très attendu par les familles qui désirent le recevoir dans leur cour afin d’être «bénies» par l’animal.
Ce cortège est accompagné d’un joueur de tambour portant le costume traditionnel de la région orné de mouchoirs à la taille et coiffé d’un képi couvert de fleurs et de perles.
Suivent des «Hérodes», danseurs munis de sabres et portant une jupe sur des habits d’hommes, le montreur d’ours qui fait la quête avec son tambourin, des femmes tsiganes avec des brosses à peinture, le pope, la voyante, le médecin.
Le cortège de la chèvre est similaire mais il est unique.
A chacun de ses arrêts, ses acteurs offrent un spectacle dont les scènes sont dominées par les agissements des personnages gitans.
Le jour de l’An, la chèvre danse et simule la mort et la résurrection.

En Moldavie roumaine du Nord, les personnages des Chaudronniers (Kaldarari) chantent pour accompagner leur danse, avec des paroles assez vulgaires, puis font un discours aux notables. C’est dans leurs rangs que l’on trouve les personnages équivalents à Jauna et Anderia de Soule, c'est-à-dire un couple de mariés.
D’autres personnages tsiganes font office de montreurs d’ours. Leurs costumes s’apparentent d’avantage à ceux des Bohémiens de la mascarade de Soule.

En Pologne dans plusieurs villages de la région de Zywiec, les «Dziady» se rendent chez les paysans pour leur présenter leurs vœux de bonheur.
Parmi eux:
- Des chevaux-jupons –les «Koniki»;– jouent le rôle principal de la fête, s’écroulant au moment culminant de la danse, puis ressuscitant.
- Des «ours» sautent et se roulent par terre. Les petits chevaux comme les ours sont guidés par des «Tsiganes» ou valets de chevaux, aux costumes rappelant des uniformes militaires.
Il y a toujours une actrice parodiant le comportement des Tsiganes, elle est parfois accompagnée d’un groupe d’hommes jouant aux cartes, se disputant, et s’emparant de tout ce qui est à leur portée dans les maisons des paysans.
Dans les cortèges de Moldavie Roumaine ou de Pologne, on trouve ainsi les personnages représentants des Tsiganes dans les deux groupes d’acteurs, c'est-à-dire celui des «Beaux» du début du cortège et celui des «Laids» de la fin du cortège, ou encore comme le disent souvent les chercheurs, celui des «locaux» et celui des «étrangers».

En Catalogne, la manifestation équivalente à la mascarade de Soule s’appelle le Ball de Gitanes.

Commentaire de Violet Alford sur le «Colles» d’antan:
«A une époque, les hommes portaient une petite jupe blanche, un large chapeau de moissonneurs et un petit foulard autour du cou pour ressembler aux Gitans. En 1767, dit-on, ils portaient des rubans et des grelots autour des jambes et les plus beaux bijoux qu’ils pouvaient se procurer. Maintenant en nationalistes catalans bon teint, ils portent souvent le costume régional, mais s’accrochent au foulard censé faire Gitan».
Dans le livre de Bertrand Solet «Gitans, Tsiganes, manouches», un paragraphe nous interpelle sur ces représentations des Tsiganes qui sont tellement rentrées dans nos mœurs que nous n’y faisons presque pas attention:

- Cavalcade dans un village de l’Orne, chars fleuris, majorettes et musique:
L’un des chars figure une roulotte tsigane, avec personnages sales et en loques
le jeune garçon voleur de poules, le rempailleur de chaises, l’ivrogne savourant son litre de rouge et battant sa femme enceinte …

Le public rit de bon cœur et applaudit au passage du char

« Voilà cinq cents ans qu’on nous traite comme des singes, dit Matéo Maximoff (écrivain et poète tsigane),Ça suffit.»

 

La représentation des Tsiganes bohémiens et chaudronniers dans les mascarades de Soule pose le même problème.
La façon dont ils sont montrés sur la place du village au 21ème siècle rappelle exactement la manière dont les vrais Bohémiens étaient considérés au Pays Basque au 19ème siècle.
La situation est la même dans d’autres mascarades (notamment dans les Pays de l’Est).
 

 

 


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