LES MASCARADES - Autrefois en Soule.

Les transformations de la mascarade Souletine depuis le XIXème siècle.


Les mascarades souletines se sont au fil du temps beaucoup assagies, même si elles peuvent encore paraître assez « sauvages ».
Les barricades ont évolué dans leur forme, puisque qu’il s’agissait vraiment d’un jeu mettant en scène un groupe d’envahisseurs arrivant aux portes des villages.
La séparation entre les « Rouges » et les « Noirs » n’était pas aussi nette que de nos jours.
Il existait d’autres personnages et d’autres saynètes, notamment pour ce qui est du groupe des « Noirs ». Certains de ces personnages disparus, tels que l’ours et son montreur, le couple de vieux, le sergent, les marchandes de fleurs sont présents dans d’autres mascarades d’Europe.

Les barricades ont évolué dans leur forme.


Dans l'ouvrage « La tradition au Pays Basque » publié en 1899, J.-D.-J. Salaberry décrit ainsi les barricades :
« (…) Nos jeunes gens, déjà tout habillés pour la réception de la mascarade, se hâtent vers l’entrée du village et là, avec de grands bâtons et de longs manches à balais, s’adjoignant les femmes et les enfants accourus en grand nombre, ils forment une barricade, une espèce de digue vivante et mouvante destinée à arrêter le flot des envahisseurs. Mais cette barricade ne saurait les retenir longtemps. Cherrero en tête, après quelques bruyants coups de fusils tirés par le Bohame Jaon, la chaîne qui la formait est rompue et tout le cortège s’élance dans le village ».
S’appuyant sur des éléments datant de 1840,Georges Herelle précise dans son livre « Le théâtre comique » (1925):
« S’il faut en croire Badé, voici ce qui, de son temps, précédait l’attaque générale : ‘le porte-drapeau’, ou chef de la bande, prend les devants, apporte aux assiégés une missive qui les somme de capituler ; et sur leur refus, les assiégeants tirent quelques coups de fusils et de pistolet. ».
Puis dans un autre article, il décrit les barricades telles qu’il les a vues au tout début du 20ème siècle. Il les séparent en deux parties distinctes, celle d’un simulacre d’attaque de barricades qui peuvent se trouver dans d’autres villages se trouvant sur le chemin des acteurs, puis une visite aux notables du village qui reçoit la mascarade.


La séparation entre les « Rouges » et les « Noirs ». ne paraissait pas aussi nette que de nos jours.



Georges Hérelle parle de la Bohémienne, également appelée « Maka beltza » qui, jusqu’à la fin du XIXème siècle, accompagnait le cheval-jupon avant d'être remplacée dans ce rôle par « Kantiniersa ».
« La Bohémienne, costumée comme les femmes de sa race offrait la provende au chevalet dans les plis de sa jupe retroussée. On l’appelait communément la ‘maquerelle’, et elle justifiait bien ce nom par les obscénités qu’elle débitait pendant toute la représentation ».

Deux personnages, le « Gatüzain » et le « Txerrero » rappellent celui du Fou de certains carnavals. J.-D.-J. Sallaberry présente le premier dans son « costume blanc [qui] a l’air d’être illustré de confettis de toutes couleurs ».
De plus, « il s’amuse, tout le temps de la mascarade, à jouer toutes sortes de tours à tout le monde, acteurs et spectateurs ». Selon Augustin Chaho, érudit souletin du 19ème siècle, le second portait des bas – un blanc, un rouge –, une toque emplumée et une veste de mille couleurs.

Augustin Chaho se penche également sur les « küküllero » apprêtés de soie, bariolés de rubans, agitant un léger caducée tenu à la main, et guidés par le « Zamalzain ».

A leur propos, J. Badé affirme que dans les années 1840, ils étaient armés non de baguettes mais de sabres de bois. Parfois aussi, ajoute l’historien, ils étaient coiffés de casques coniques en carton, munis de grelots. Pour lui, leur danse semble dérivée de celle antique des épées qui, au Moyen-Age, était dansée dans toute l’Europe.

Autre évolution : celle du « Zamalzain », auparavant plus actif à en croire Georges Hérelle : « Un épisode caractéristique se produit dans le parcours. Tout à coup, le Zamalzain s’enfuit, et les Hongreurs ou les Bohémiens se lancent à sa poursuite ».

Autres personnages et saynètes disparus.



Il existait d’autres personnages et d’autres saynètes, notamment pour ce qui est du groupe des « Noirs ».
Les « Xorrotx » se comportaient de façon plus impertinente.
Ainsi, Georges Hérelle les dépeint tous deux comme de grands bavards qui « racontent mille balivernes sur leur métier, débitent quantité de grivoiseries sur les filles, s’approchent des gens qu’ils rencontrent et leur improvisent des compliments en vers pour obtenir d’eux quelques sous ». Les compliments se changeaient vite en injures à l'encontre de ceux qui refusaient de donner l’obole.

J.-D.-J. Sallaberry présente les Bohémiennes munies d’une brosse avec laquelle elles époussetaient consciencieusement les spectateurs en les persuadant, d’un air caressant, qu’elles n’étaient pas exigeantes sur le salaire et s’en rapportaient à leur générosité.

A propos des Bohémiens toujours, Georges Hérelle s’attarde sur le personnage du « Buhame Jaun » et de sa tribu composée naguère de deux hommes et de plusieurs femmes pour mieux souligner les pratiques polygames des véritables Bohémiens. « Ce sont, dit-on, les curés qui ont fait supprimer les bohémiennes parce qu’elles tenaient des propos trop licencieux et que leurs actes allaient parfois jusqu’à l’obscénité… ».
Par ailleurs, il revient sur un épisode ancien de la mascarade mettant en scène le « Buhame Jaun », sa dame et les maquignons tondeurs de mulets. « Ils jouaient au jeu de la teilla (morceau de bois arrondi, qui se lance vers une raie tracée à terre) ; le jeu suscitait une dispute ; la dispute amenait une bataille ; un des combattants était tué d’un coup de sabre, et comme toujours, le médecin le ressuscitait ».


Autre scène disparue au début du XXème siècle, celle mimant l’accouchement de la femme du chef des Chaudronniers assistée par une Bohémienne. « C’est sans doute le réalisme trop cru de cette scène qui l’a fait supprimer », avance l’historien. Celui-ci rapporte également l’existence passée d’une autre saynète encore : alors que le barbier était en train de raser le maître rémouleur, il lui tranchait la gorge. Le médecin appelé allumait alors une mèche de chanvre qu’il introduisait dans les fesses de son patient. Le remède faisait merveille et un apothicaire poursuivait le traitement par un lavement dont il arrosait copieusement l’assistance…

La disparition d’autres rôles .
  • Les mendiants loqueteux, minables, qui fermaient la marche du cortège. En 1857, Jean-Baptiste Archu évoque cette « gueusaille » (« eskalleria ») composée d’un couple âgé en haillons accablant de ses caresses le petit poupard que le ciel lui avait donné.
     
  • Les marchandes de fleurs signalées à la même époque, munies de leurs corbeilles dont elles sortaient de petits bouquets offerts, en chanson, aux notables du Pays qui les récompensaient de cette gracieuseté par une offrande.
     
  • Un sergent ou commissaire, coiffé d’un béret à cocarde et armé d’un petit sabre suspendu à un ceinturon verni dont la plaque était dorée, faisait la police des mascarades sous l’autorité de « Jauna ».
     
  • Un « conducteur » auprès de l’ours, évoqué par Francisque Michel et Jean Heguiaphal, cités par Georges Hérelle.
     

Les musiciens

Dans le cortège de la mascarade, Georges Hérelle situe les musiciens « entre les deux bandes dont se compose le cortège ». L’un bat du tambour tandis que le second « joue à la fois de la tchirola et du tambourin. Francisque Michel et Chaho y ajoutent à tort un violon. C’est à tort aussi que Fr. Michel place les musiciens en tête du cortège », corrige-t-il.

Les tournées de quête autrefois


Jean-Michel Guilcher, dans son livre « La tradition de danse en Béarn et Pays Basque français », décrit les tournées annuelles de Soule, aujourd’hui disparues. Elles commençaient à la tombée de la nuit.
Y participaient les jeunes d’un quartier de village, dont les masques pouvaient être « de toile, de serpillière, de peau de chèvre ou de carton, agrémentés de binocles, barbes, moustaches etc. ».
Des habitants craignant que des inconnus ne s'introduisent chez eux, certains quêteurs se contentaient « de se barbouiller la figure et de l’encadrer d’un fichu » qui dissimulait ainsi en partie leurs traits.
La plupart des participants étaient vêtus de jupes et ils bourraient leurs habits de foin.
Quelques-uns étaient déguisés en Bohémiens et Bohémiennes. Le « Buhame-Jaun », Seigneur des Bohémiens, glissait des morceaux de lard dans un grand sac ou les enfilait sur un bâton pointu.
Sa « femme » quant à elle portait un panier dans lequel elle rangeait les œufs.

Sont signalés d’autres personnages : le chaudronnier, le hongreur et le rémouleur, ainsi que, dans certains villages, un « Zanpantzar », mannequin destiné à être brûlé.
Le groupe était précédé d’un annonceur portant à la taille une ceinture de cuir garnie de cloches de vaches.
Un autre personnage, bouffon et farceur, se servait de sa pince en bois pliable et extensible pour chahuter les filles ou saisir les provisions suspendues au plafond des maisons dans lesquelles il s’introduisait.
Ces deux derniers personnages sont les équivalents du « Txerrero » et du « Gatuzain » des mascarades actuelles.
Quant aux autres, ils exécutaient quelques danses puis donnaient un chant de quête dont la conclusion – remerciements ou injures – dépendait de l’accueil qui leur avait été fait par leurs hôtes.

 


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