LES BOHEMIENS - Au Pays Basque
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Le Pays Basque



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Les 7 provinces

Menées par un Comte ou un Capitaine, des compagnies de Tsiganes composées de plus de cent personnes, ont commencé à sillonner le Pays Basque dès le XVème siècle.

Les premières traces de leur présence datent de 1435 à Pampelune en Navarre, puis de 1483 lorsque le trésorier de la ville de Bayonne remet des écus d’or au Comte des “ Bohémis ”.

Danse, musique, marché du bétail et travaux de forgeron constituent les activités principales de ces compagnies itinérantes se déplaçant de ville en ville au gré des fêtes pour lesquelles elles sont engagées.

Ainsi en Biscaye,
  • En 1559, la ville de Valmaseda rémunère des Gitans pour leurs danses ;
  • En 1571 puis en 1598, elle les sollicite à nouveau à l’occasion des fêtes célébrant le jour de la Saint-Jean.
  • En 1559,la ville de Lekeitio rétribue une troupe tsigane pour ses parades et ses danses.
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L'arrivée des marchandes de sardines

A la fin du XVIème siècle, des groupes de moindre importance – pour échapper aux nombreux contrôles visant à les expulser – circulent surtout en milieu rural, adoptant progressivement les coutumes, la langue et les noms du pays.

Au-delà de leurs métiers habituels (vanniers, étameurs, tondeurs de mulets, montreurs d'animaux, contrebandiers ou maquignons), ils vont exercer aussi d'autres professions traditionnelles de la région : manœuvres, ouvriers à la journée, marins ou sandaliers.
Les premières sédentarisations sont attestées à partir du XVIIème siècle ; il n’est cependant pas exclu qu’il y en ait eu avant.

Des groupes de Bohémiens emménagent dans des bergeries isolées ou dans des masures abandonnées.
Quelques-uns parviennent à acquérir un lopin de terre sur lequel ils construisent leur baraque et s' installent nombreux.
Certains deviennent alors bergers ou laboureurs, adoptant ainsi un style de vie “ normalisé ”, c'est-à-dire ressemblant à celui des gens de la région.

Au XVIIIème siècle, plus de cinquante familles de tsiganes, appelés « Kaskarot », sont domiciliées à Ciboure et à Saint-Jean-de-Luz.
Elles tirent de la mer l’essentiel de leurs ressources.

Les hommes se mêlent aux Basques dans les équipages recrutés à Bayonne ou à Saint-Jean-de-Luz pour des pêches lointaines (pêche à la morue, chasse à la baleine). Quant aux femmes, elles sont marchandes de poissons.

Sous la Première République de 1792 à 1804, des Bohémiens servent dans les bataillons de chasseurs basques alors que d’autres, issus de familles de marins pêcheurs de la Côte Basque, se sont enrôlés dans la Marine...

Des mesures d’expulsion sont prises dès le début du XVIème siècle.

En voici quelques exemples...
  • En 1538, à Saint-Palais, l'assemblée des États de Navarre ordonne un avis d’expulsion contre les Bohémiens ou les Égyptiens, mendiants valides et autres vagabonds.

  • Aux Cortes de Navarre, à Tudela en 1549, une loi pragmatique ordonne elle aussi leur expulsion.

  •  A Bayonne, en 1574, des Bohémiens sont interdits de séjour.

  • En 1604, à Tolosa, à l'occasion des « Juntas de Gipuzcoa », un avis d'expulsion spécifie qu'une prime de 200 reales sera offerte à qui capturera un Gitan, et une prime de 50 reales pour une Gitane.
    De plus, est-il précisé, si la personne oppose une résistance, il est légal de la tuer.
    Un an plus tard, un avis similaire est édité par les « Juntas de Bizkaia » à Gernika.

  • En 1608, les villages proches de la frontière font part de leurs préoccupations à voir circuler de nombreux gitans de part et d’autre des Pyrénées, et demandent l'autorisation d'utiliser des armes à feu pour les chasser, comme l'ont obtenue les habitants d'Oiartzun en Gipuzkoa.

  • En Navarre, de 1549 à 1802, dix-huit textes sont publiés dont plusieurs interdisent aux habitants de recevoir, d'héberger les Bohémiens ou de faire commerce avec eux.

  • Dans le « Registre des États de Soule » de 1721, il est interdit aux habitants de « loger des bohèmes soit mâle soit femelle dans aucune de leurs maisons, granges, bordes ou terre à peine de 50 livres ». Le texte précise : « Les habitants de chaque lieu s’assembleront au son de la cloche pour courir sur les bohèmes et les chasser jusqu’à ce qu’ils soient hors du décimaire »
    En effet, il est reproché aux Bohémiens de « s’attrouper tous les jours et causer de grands dommages par leurs pillages continuels ».


 

Elle est ordonnée par le Préfet Castellane et se déroule dans la nuit du 6 au 7 décembre 1802.

« Vu les diverses plaintes déposées dans les bureaux de la préfecture qui ont été adressées aux administrations centrales et aux préfets relativement aux assassinats, vols et désordres de toute espèce dont se rendent coupables les vagabonds connus sous le nom de Bohémiens qui désolent une partie des arrondissements de Bayonne et de Mauléon (...) arrête : - Les individus connus sous le nom de Bohémiens, leurs femmes et enfants, qui seront trouvés dans les arrondissements de Mauléon et de Bayonne seront arrêtés le 15 de ce mois et jours subséquents ;
ceux qui seront arrêtés dans le premier de ces arrondissements seront conduits sur-le-champ à Saint-Jean-Pied-de-Port ;
et ceux arrêtés dans l'arrondissement de Bayonne seront conduits à Bayonne;
tous ces individus resteront provisoirement détenus jusqu’à ce qu'il en ait été autrement ordonné par le gouvernement.
- (...) Au total, 475 personnes sont arrêtées : 125 hommes, 155 femmes, et 195 enfants de moins de douze ans».




Les personnes arrêtées devaient normalement être déportés en Louisiane.
Finalement , les jeunes de douze à seize ans sont envoyés comme apprentis dans les ateliers maritimes ou comme mousses sur les vaisseaux de l'État, ceux de seize à vingt-cinq ans enrôlés dans l’armée.
Quant aux hommes mariés et en capacité de travailler, ils sont conduits sur des chantiers de l’Aude et des Hautes-Alpes. Les femmes et leurs enfants de moins de douze ans, les infirmes et les vieux seront incarcérés dans 27 dépôts de mendicité (établissements assimilés aux prisons) répartis sur la France entière.
Ils seront progressivement libérés, mais beaucoup y périront.
photo bohémiens musée basque

Bohémiens (photo musée basque)

Le mode de vie des Bohémiens du Pays Basque ressemblait en de nombreux points à celui d’autres groupes tsiganes d’Europe.
Ils exerçaient les professions de tondeurs de mulets ou vanniers. Les femmes étaient mendiantes.
Plusieurs groupes, installés dans des villages différents, vivaient en lien étroit sur la Basse –Navarre, la Navarre espagnole et la Soule et, bien qu’ils se soient parfois mêlés à la population basque par des mariages, l’endogamie (c'est-à-dire le mariage entre pairs), était plus importante.
Les Bohémiens employaient jusqu’à il y a peu des mots de vocabulaire en rromani (langue des Tsiganes) dans la langue basque qu’ils parlaient.
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Les Bohémiens au XIXème siècle  Un article de Nicole Lougarot


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Pour en savoir plus sur leur langue
– Quelques explications et un tableau comparatif du vocabulaire
des Bohémiens basques avec le rromani.


 

Certains érudits et gouvernants locaux ne se lasseront pas de demander la déportation des Bohémiens alors que d'autres proposeront leurs préconisations pour faire « enfin » des Bohémiens de bons citoyens.
Toute ressemblance avec des personnes ou des situations du XXIème siècle serait bien évidemment fortuite !

Jean Barbier, prêtre et écrivain bas navarrais, décrira quant à lui un groupe de Bohémiens installés en Basse-Navarre, ceux d’Antxixarburu à St Jean le Vieux.

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fanfare tsigane Vagabontu
(Xiru 2007)

En Pays Basque comme ailleurs, ceux qui se sont sédentarisés ont reçu des patronymes de la région.
Progressivement , une partie de cette population s’est peu à peu fondue dans le paysage, apprenant la langue basque – signe s’il en est de ses étroits contacts avec la population locale –, et s’unissant parfois par le mariage avec des autochtones.

Difficile donc aujourd’hui de repérer celles et ceux aux origines bohémiennes. D’autant plus que la « nationalité » bohémienne ne se transmet pas. On entend même souvent cette remarque :
« Lui, son père [ou sa mère] était Bohémien [ne] ».

C'est autour des années 1960 que les derniers Bohémiens de Soule ont abandonné leur mode de vie particulier pour mieux se fondre dans leurs communautés villageoises.
Jusque là, ils étaient encore fabricants de paniers et de balais de bruyère, et ils pêchaient truites et anguilles qu'ils revendaient ; la mendicité était l'activité essentielle des femmes.

En abandonnant son mode de vie ou l’exercice de certains métiers, le Bohémien est, dès lors, devenu Basque à 100%, la génération suivante ignorant parfois tout de ses origines.

Intégration réussie pourrait-on en déduire… si ce n’est que, selon l’expression consacrée, ils garderaient « ça » dans le sang !...

Dans certains endroits du Pays Basque cependant, en Basse Navarre notamment, des communautés repérées comme bohémiennes existent toujours. Leurs membres savent qu’ils sont Bohémiens, leurs voisins également.
Et les relations entre les deux groupes ne sont pas toujours simples !

 


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